Portrait d’un expérimentateur invétéré ou le refus de l’ordre établi.
Il est une peinture moderne qui tire son caractère particulier de la décantation, de certains traits de l’art brut. Cette tendance est présente chez Judikahel.
Anticonceptuelle et inclassable, elle exploite les caractéristiques de l’art brut aussi bien par le goût du piquant, de l’honnêteté et de l’impertinence que par réaction contre la lourdeur et le conformisme de la création contemporaine.
Atelier de Judikahel
Son sens de la couleur est aussi vif et aussi sûr que peut etre l’instinct de l’animal. Parodiant différents styles, il n’est pas aisé de déterminer celui sur lequel il entend agir, et c’est précisément pour cela que son propos de peintre reste si profondement personnel, même lorsque l’humour prend le pas sur l’anecdote et la fantasmagorie de l’artiste. La rencontre entre un univers chargé de symboles et celui du quotidien produit un mélange étonnant qui offre au peintre une combinaison infinie de situations et de motifs picturaux.
Nous n’avons pas donc à faire à une exentricité ou à un simple caprice dans lequel se complairait l’artiste.
C’est d’ailleurs la sculpture qui a révélé avec le plus d’éclat, les caractéristiques qui fondent l’unité du style de Judikahel. Un style qui insiste sur la nécessité de reduire toute matière à deux dimensions sur le plan pictural, à des lignes, qui définissent l’espace. Sous l’action de sa peinture, la sculpture de Judikahel subit actuellement une transformation qui semble ouvrir à l’artiste un champ d’expression encore plus étendu.
La peinture de Judikahel incorpore l’objet et le totémise. Ses sculptures découlent naturellement de cette volonté de fixer la forme et de lui conférer une matéria lité. Rien désormais n’échappera plus au trait acéré de Judikahel. Les personnages non plus, bien sûr. Et dans l’objet totémisé-l’objet solitaire-réside la solitude de l’homme peuplé d’angoisses. Nous sommes ici très éloignés des vieux démons de la sacro-sainte avant garde, ou de ses bons anges.
La sculpture offre à la création de Judikahel et à son expression tangible, un pendant d’une logique assez pure et séduisante aussi pour briser enfin ces vieux mythes que sont la magie de l’inspiration, la spontanéité, l’insondable éloquence. Et la sculpture, de son côté, a donné des impulsions à la peinture de Judikahel. Ils se sont apportés un champ d’exploration nouveau comme ils ont apportés au peintre un nouveau souffle. Une respiration.
Un tableau n’a pour lui de valeur que s’il parle à celui qui le regarde, si on le rejette ou si on l’accepte et se l’approprie, « Si ce tableau nous force à nous interroger, alors l’artiste aura accompli une oeuvre à part entière » explique Judikahel qui s’intéresse à la peinture d’abord parce qu’elle offre la possibilité d’une remise en question perpétuelle. « Il faut privilégier la justesse de l’evocation et de l’idée » ajoute t’il.
T. Demaubus
Revue : Valeur de l’art